Ce n’est pas pour rien que tous les enseignements de méditation invitent à ne pas s’engager sur une voie tout seul. Le chemin est semé d’embûches. Dans l’approche bouddhiste de la méditation (à l’origine du zen, de vipassana ou de la « pleine conscience »), on parle de 3 refuges : l’enseignant, l’enseignement et le groupe.
L’enseignant est celui qui transmet. L’enseignement se trouve dans les livres et sur Internet, mais surtout dans la tête de l’enseignant qui est supposé vous transmettre celui dont vous avez besoin en ce moment. Le groupe ce sont les personnes qui sont sur la même voie que vous.
Voici quelques erreurs typiques que l’on peut rencontrer quand on est engagé dans une véritable pratique de méditation :
1. Essayer d’arrêter de penser
Vous êtes un être humain et vous avez un cerveau. Ce cerveau génère ou capte des pensées en permanence. Le but de la méditation n’est pas de ne plus penser, il est de ne plus être l’esclave de ses pensées. En essayant de ne plus penser, vous vous concentrez sur vos pensées, ce qui génère des pensées.
Concentrez-vous sur votre objet d’attention* et laissez tomber tout le reste, surtout votre désir de changer ce qui se passe maintenant. Ce n’est pas ce qui se passe qu’il faut changer, c’est d’abord sur quoi vous posez votre attention, ensuite à partir d’où vous le faites.
*L’objet d’attention est ce sur quoi vous posez délibérément votre attention. Ce peut être un objet réel ou imaginé, une sensation, une émotion ou n’importe quoi d’autre. À différencier avec quelque chose qui capte votre attention sans que vous le vouliez.
2. Se tromper de méditation
J’entends régulièrement des gens qui me disent qu’ils n’arrivent pas à méditer. Certains se trompent du but, comme je l’ai expliqué dans le point ci-dessus, d’autres sont tout simplement tellement perturbés par le nombre de pensées qu’ils sont incapables de se concentrer.
Si vous ne pouvez pas vous concentrer, changez de méditation et essayez une méditation d’observation. Observez ce qui se passe quand vous n’arrivez pas à méditer : « OK, je n’arrive pas à méditer. C’est comment quand je n’arrive pas à méditer ? Que se passe-t-il exactement ? »
Ce n’est pas une démarche intellectuelle, c’est une démarche d’observation directe de la réalité. En pratiquant de cette manière vous prenez automatiquement une position d’observation, qui est aussi une pratique de méditation.
Si la méditation assise et en silence ne vous aide pas du tout, peut-être que vous ne pratiquez pas le type de méditation adapté à votre situation actuelle. Lisez l’article PRINCIPAUX TYPES DE MÉDITATIONS et orientez-vous vers quelque chose qui vous correspond mieux dans l’état actuel des choses.
3. Méditer pour fuir la réalité
Si vous avez développé une capacité à prendre du recul et à être beaucoup moins affecté par les événements, c’est parfait ! C’est une étape importante. Sauf que cette capacité peut être récupérée pour faire ce que nous sommes conditionnés à faire depuis très longtemps : fuir les sensations désagréables.
Vous risquez alors de méditer pour éviter de ressentir certaines émotions qui vous dérangent, ou tout simplement de ne plus être pris par les difficultés de la vie. Cela n’a rien de négatif. Mais si vous sentez que quelque chose n’est pas juste, c’est justement parce que… quelque chose n’est pas juste.
Une véritable démarche de méditation ne sert à fuir, Elle sert à vous aider à vivre pleinement ce qui est là, dans l’instant, et à en comprendre la réalité. Alors si vous essayez désespérément de pratiquer la concentration ou l’observation sans résultats, c’est peut-être tout simplement parce que vous essayez de ne pas sentir ce qui apparaît et qui ne demande qu’à être libéré. C’est ce qu’on appelle la vision profonde.
4. Gérer le temps sans utiliser de timer
Quand vous décidez de vous asseoir pour pratiquer, c’est pour le faire à 100%. La question est de savoir combien de temps. Si vous méditez sans utiliser de minuterie (timer), vous allez vous arrêter quand vous en avez assez. Alors que c’est justement à partir de ce moment que la pratique devient intéressante.
Voici la méthode que j’emploie : Je m’assieds, je mets mon téléphone en mode avion, j’ouvre une application (J’utilise une appli très basique comme Meditation Timer & Log Android / Meditation Timer & Log Appstore), et je choisis le temps. Parfois c’est 5 minutes, parfois c’est 20, parfois c’est 37. Quel que soit ce temps, dès que j’ai appuyé sur Démarrer, je ne m’arrête jamais avant la fin (c’est ce qu’on appelle l’effort juste).
5. Méditer pendant trop peu de temps
– Les 3 minutes : Quand je conseille de méditer 3 minutes par jour, c’est parce qu’il vaut mieux méditer 3 minutes que ne pas méditer du tout et que cela aide à prendre l’habitude de s’asseoir. Cette information est parfois récupérée et on se met à méditer tous les jours 3 minutes. C’est facile, cela ne prend pas de temps, et il n’y a pas de risque de changement profond.
Si vous n’avez pas le temps, méditez 3 minutes. Mais un jour ou l’autre, il va falloir augmenter cette durée si vous voulez que votre méditation soit efficace.
– Le temps qui vous convient : Vous méditez chaque jour pendant un certain temps, 10 minutes, 15 minutes, celui qui vous convient, sauf que c’est la durée parfaite pour avoir les effets positifs de la méditation mais sans trop déranger la machine. C’est à nouveau une méditation de bien-être, une nouvelle zone de confort qui évite de perturber le système. Je conseille d’arriver à minimum 25 minutes par séance.
6. Pratiquer un morceau de la pratique
Beaucoup de gens croient que méditer c’est observer sa respiration. Alors on essaie, avec plus ou moins de succès, et après quelques semaines on arrête parce qu’on se rend bien compte que cela demande beaucoup d’effort pour peu de résultats.
La concentration sur la respiration est une technique d’entraînement (Samatha) qui prépare à la méditation vipassana, ce n’est donc pas le cœur de la pratique. Si vous pensez méditer alors que vous êtes bloqué à la phase de préparation, il n’est pas étonnant qu’à un moment donné vous ayez l’impression que cela ne fonctionne pas…
Même principe pour la pleine conscience (Mindfulness). C’est important d’être conscient, mais de quoi ? Que faites-vous avec cette pleine conscience ? Si vous vous contentez d’être pleinement conscient de ce qui se passe pendant votre journée et de sentir l’eau qui coule sur votre peau quand vous prenez une douche vous allez faire cela toute votre vie…
7. Arrêter de méditer parce que cela ne fonctionne pas
Il y a des gens qui méditent correctement quelques temps, cela leur fait du bien, cela les aide à transformer leur vie, et ils vivent alors des moments agréables qui font qu’ils ne ressentent plus le besoin de méditer. Après quelques temps (jours, semaines ou mois), le nettoyage interne reprend son cours et ils se sentent à nouveau mal (lire : POURQUOI JE VAIS BIEN PUIS MAL). L’erreur consiste alors à penser que puisque le mal-être est revenu c’est que la méditation ne fonctionne pas.
Les outils de méditation sont des outils. Servez-vous-en quand c’est nécessaire, tant que c’est nécessaire, autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce que vous ayez retrouvé votre état naturel de liberté. Comment savoir que vous avez atteint cet état ? C’est en même temps très simple et très paradoxal : cet état est atteint quand il n’y a plus d’état à atteindre. Pas parce que vous êtes arrivé, mais parce vous n’essayez plus d’aller quelque part. Quand on est libre, on n’essaie plus de s’enfuir…
8. Croire que l’on a trouvé quelque chose
Vous avez médité et vous vous sentez bien ? Continuez à méditer ! Une erreur typique quand on médite est de croire que l’on a atteint son but une fois que l’on a atteint un état de bien-être. Si vous méditez uniquement pour vous faire du bien, c’est parfait. Ce point ne vous concerne pas. Mais si vous méditez pour méditer, alors ce bien-être que vous ressentez peut devenir un piège.
Plus vous allez vous sentir bien quand vous méditez, plus vous risquez de méditer pour rechercher cette sensation agréable. Ceci amplifie la dualité « bien » et « mal » dont je parle à plusieurs endroits de ce blog et qui génère de la souffrance. Apprendre à observer le bien-être comme on observe le mal-être permet de démonter ce système.
Mais allons plus loin : Si à force de pratique vous finissez par vous sentir bien, ou en tout cas pas trop mal comparé à ce que vous avez connu jusque là, vous risquez de vous complaire dans ce que j’appelle « Le haut de la bouteille ». Et quand vous aurez été « heureux » pendant quelques temps, la peur de perdre ce bien-être reviendra vous hanter…
Je le répète : Les enseignements originaux de la méditation n’invitent pas à essayer d’être enfin heureux. Ils invitent à démonter les mécanismes à l’origine de la souffrance : le désir et nos perceptions erronées qui nous font vivre dans une illusion. Il est alors vu que le bien-être qui semble apparaître alors était déjà là avant. Que ce n’est pas quelque chose que l’on a trouvé, c’est quelque chose que nous sommes.
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