NOTRE SOCIÉTÉ capitaliste nous enseigne que le bonheur est directement lié à faire (réussir) ou avoir (posséder). Les modèles de bonheur qui apparaissent dans les médias sont qu’une fois que vous aurez de l’argent, la santé, réussi professionnellement, trouvé le conjoint idéal, que vous aurez votre maison ou appartement, de beaux enfants, une voiture et un chien qui court dans le jardin, alors vous serez heureux.
Vous pouvez aussi devenir célèbre, mais ce n’est pas donné à tout le monde. Si vous ne vous reconnaissez pas (ou plus) dans ce modèle, vous êtes peut-être dans le « modèle du bien-être » : quand vous mangerez bio, que vous aurez lâché prise et appris à méditer, alors vous serez heureux. C’est le même système, avec d’autres mots.
Trois âges charnières, qui ne sont évidemment que des moyennes (une prise de conscience peut survenir à tout âge), peuvent être des moments difficiles où ce modèle s’écroule… (Cet article parle de dépression légère, pas de maladie mentale) :
30 ans, l’âge de raison
En général, la première étape d’une vie d’adulte consiste à « construire sa vie ». Depuis que nous sommes devenus « adultes », nous avons consacré toute notre énergie à suivre le modèle sociétal : argent, carrière, logement, conjoint, enfants, voiture, c’est vers l’âge de 30 ans que nous avons enfin tout ce qui est supposé nous apporter le bonheur. Pour beaucoup de gens, c’est donc aussi l’âge où ils réalisent qu’alors qu’ils ont tout pour être heureux, ils ne le sont pas.
Le paradoxe, c’est que ceux qui s’écroulent à cet âge disent souvent qu’ils ne comprennent plus rien. « Je ne comprends pas, pourtant j’ai tout pour être heureux ! » La vérité, c’est que s’ils sont dans cet état c’est justement parce qu’ils commencent à comprendre…
40 ans, l’âge du basculement
Le passage de la quarantaine a une symbolique importante. C’est le moment du bilan. Une remise en question souvent difficile, parfois salutaire. Qui suis-je ? Qu’ai-je fait de ma vie ? Que n’ai-je pas fait ? Qu’est-ce que j’ai raté ? C’est l’âge où l’on prend conscience que certaines choses ne seront bientôt plus possibles à réaliser. On voudrait vivre certaines choses avant qu’il ne soit trop tard. On se demande si l’on plait encore…
C’est l’âge où l’on remet sérieusement son mode de vie en question : je ne suis pas heureux, mais maintenant j’ai compris pourquoi ! Si des solutions peuvent être mises en place, c’est une époque de bouleversements personnels. Si aucune solution de changement n’est présente, c’est la dépression assurée. Pas parce que nous ne pourrons plus être heureux, mais parce que nous refusons de comprendre que notre modèle du bonheur est erroné.
50 ans, l’âge du bilan
La crise peut aussi arriver vers 50 ans, quand on a vécu ce que l’on avait envie de vivre, que l’on a parcouru tout un chemin, et que l’on se rend compte que finalement, après tout ce que l’on a fait, après tout ce qu’on a réalisé, et bien on n’est toujours pas heureux. On parle parfois du « Démon de midi », ce passage où l’on rencontre quelqu’un de plus jeune que soi, parfois beaucoup plus jeune, qui nous (re)donne l’impression d’exister, de vivre.
Conséquences
Prendre conscience que l’on s’est trompé depuis 30, 40 ou 50 ans, et que l’on n’a absolument aucune idée de comment faire autrement pour enfin arriver à ce bonheur que nous avons cherché si longtemps, génère de toute évidence des émotions et sensations désagréables. À part pour quelques cas particuliers, l’échec et le désespoir n’ont rien de réjouissant. Le pire, c’est que sans un changement radical dans notre manière de percevoir la réalité de ce monde, sans une prise de recul, nous continuerons à penser que le seul moyen d’arriver (enfin) à être heureux est de trouver un moyen de réintégrer ce modèle sociétal malade.
Certains me diront que ceci est faux. Ils ont une belle maison, de beaux enfants, une carrière, de l’argent, et ils profitent de la vie. Ils sont heureux ! Je réponds que l’on ne parle pas du même bonheur. Le véritable bonheur n’est pas lié à ce que l’on possède ou ce que l’on a réussi. Ils pensent être heureux parce que leur situation leur permet de se sentir bien. S’ils sont honnêtes avec eux-mêmes, ils constateront qu’ils vivent chaque jour avec l’angoisse de perdre ce qu’ils ont, qu’il arrive quelque chose à leurs enfants ou que leur carrière s’étouffe. Ils sont simplement dans une phase de leur vie où tout va bien, en oubliant que rien n’est stable et que cette situation est temporaire. Le véritable bonheur est stable et n’est pas entaché par la peur de perdre.
Remise en question
Quel que soit l’âge, on peut à un moment se remettre en question, faire une thérapie, se former, voyager ou se fixer de nouveaux objectifs de vie. Tout ceci va recréer un nouveau personnage. Un « meilleur », un qui fonctionne mieux, un qui a compris, un qui gère mieux la situation. La souffrance disparaîtra quelques temps, ou sera moins pénible, mais impliquera de ne jamais se retrouver seul face à soi-même, au risque de voir ressurgir les démons qui nous ont forcés à changer et qui dorment toujours dans la cave.
On peut aussi aller voir son médecin, ou un psychiatre, qui n’a rien compris à l’aspect spirituel de cette transformation, et qui va prescrire « quelque chose qui va vous aider et qui n’a pas d’effet secondaires… » Comme si on pouvait tout d’un coup changer le fonctionnement de son cerveau sans conséquences… Ce sera alors au mieux une façon de vous garder (parfois à vie) dans cet état inconfortable, au pire une descente aux enfers. Parce qu’une fois sous médicaments, on ne perçoit plus les choses comme elles sont et il devient difficile de changer ce qui doit l’être. Certains me diront que parfois un médicament est nécessaire. Je réponds que je ne parle pas des 1% de gens qui sont réellement malades, je parle des 99% qui sont concernés par cet article et dont le cerveau fonctionne parfaitement.
Une solution ?
La solution peut venir de trois axes différents mais qui ne sont pas obligatoirement séparés. Le premier est une prise de conscience que ce fameux modèle du bonheur est faux. Rien ni personne ne pourra vous rendre heureux. Car même si vous trouvez le conjoint idéal, vous allez avoir peur de le perdre. Oui, c’est difficile à accepter, mais c’est comme ça. Ce n’est pas un message négatif qui dit que vous ne trouverez jamais le bonheur, c’est un message positif qui vous invite à comprendre ce qu’est réellement le bonheur.
Le deuxième axe, c’est de comprendre que si énormément de gens se sentent mal dans notre société moderne, c’est parce que notre société est malade. Vous ne pouvez pas changer toute la société sur un coup de baguette magique, mais il y a des choses que vous pouvez changer, comme votre manière de percevoir la vie et les événements, par exemple.
Le troisième axe, plus spirituel, est de se demander qui est ce personnage qui joue à chercher le bonheur ? Qui êtes-vous, en fait ? Réellement ! Une prise de conscience plus profonde peut alors s’opérer. Une évidence que vous avez joué toute votre vie à être quelqu’un. Quelqu’un de bien, de gentil, qui réussit, qui gère sa vie, qui est fort ou n’importe quoi d’autre, en fonction de votre vécu. Tous ces personnages que nous jouons tous ne sont que des personnages. L’ultime question est donc de savoir qui joue.
Si, dans certains cas extrêmes, la prise d’un médicament peut s’avérer nécessaire, je ne peux que vous conseiller de d’abord lire la liste des effets secondaires du médicament que l’on vous propose et de lire les 3 articles ci-dessous :
L’ultime dépression
L’ultime dépression, c’est quand cet article prend tout son sens. Quand on a réellement tout essayé et qu’on réalise, consciemment ou inconsciemment, l’évidence qu’aucune solution ne soulagera le personnage que nous avons créé. Un véritable lâcher-prise peut alors apparaître. Une sorte d’abandon total à cet état dépressif, une possibilité de simplement accueillir ce qui est. On se laisse alors tomber, dans l’acceptation totale de ce que nous vivons dans l’instant.
C’est souvent à ce moment que l’on se met à rencontrer enfin des personnes différentes, des personnes qui ont vécu la même chose que nous. Celles-ci savent, et vont pointer vers une réalité plus juste : le bonheur dont on nous a parlé n’a rien à voir avec le bonheur. On comprend alors que ce que nous vivons est un processus naturel. Nous devenons de plus en plus capables de tout simplement accueillir la réalité comme elle se présente. Et ce sera alors effectivement l’ultime dépression, la dernière possible. Après, il n’y aura plus que ce qui est, dans toute sa beauté.
Conclusion et invitation
La dépression n’est pas une maladie que l’on attrape, elle est l’évidence d’une erreur. De plus en plus de gens sont dans cette phase, je les salue et leur souhaite de traverser du mieux qu’ils peuvent ce passage tourmenté de la vie. Accueil et conscience sont les deux bâtons qui vous aideront à rester debout. Souvenez-vous que quelle que soit la noirceur de la nuit, le soleil finit toujours par se lever. Voici pour terminer quelques invitations à percevoir la dépression différemment :
- Commençons par le plus important : Si vous avez perdu l’espoir d’être heureux, perdu un être cher, perdu votre travail ou votre logement, ou toute autre situation pénible, il est tout à fait normal que vous vous sentiez mal. Si vous me dites que vous ne savez pas ce qui vous arrive, c’est que vous n’avez pas lu ou pas bien compris le début de cet article. Donc, ne croyez pas que vous fonctionnez mal. Au contraire, vous fonctionnez parfaitement !
- Le mot dé-pression signifie qu’il n’y a plus de pression. C’est donc peut-être une bonne nouvelle. Le vide que l’on ressent souvent, c’est justement l’absence de pression. Le stress qui peut apparaître quand on est dans cet état est lié à la peur du vide.
- Si vous avez des pensées suicidaires et que vous prenez un médicament, je le répète : lisez la liste des effet secondaires ! Beaucoup de substances qui devraient aider les gens à vivre mieux ont pour effet secondaire une envie de mourir.
- Si vous avez des pensées suicidaires et que vous ne prenez pas de médicaments, écrivez ces mots sur un bout de papier, posez-le sur votre table de nuit (ou ailleurs) et lisez-les chaque fois que cela va mal : « Qui veut mourir ? » Écoutez également le message de Eckhart Tolle qui a vécu la même chose que vous (non, vous n’êtes pas seul…).
- Dans un état dépressif, il n’y a plus que le moment présent. On entend souvent « Je vis au jour le jour ! » Et vivre l’instant présent, au jour le jour, sans se projeter inutilement dans le passé ou le futur, c’est votre état naturel. Inacceptable et insupportable pour le mental, d’où la souffrance, mais tout simplement votre état naturel.
- Si vous n’avez plus envie de rien, c’est peut-être parce que vous commencez à comprendre que quoi que vous fassiez vous ne trouverez pas de solution. Laissez-vous n’avoir envie de rien, posez-vous, et observez ce qui se passe quand on laisse les choses se faire naturellement, sans le mental.
- « À cause de cette dépression je ne peux plus continuer à vivre normalement ! » C’est vrai, mais pensez-vous vraiment qu’il est normal de vivre comme cela ? Et si quelque chose en vous appelait à mieux ? Le vide ressenti est peut-être comme un grand trou noir qui est là pour avaler tout ce qui vous empêche d’être heureux.
- Et le meilleur pour la fin : si vous n’arrivez pas à sortir d’un état dépressif, c’est peut-être parce qu’au fond de vous quelque chose sait que c’est exactement là que se trouve la solution. C’est paradoxal, mais ce que vous cherchez est juste là, au fond du trou. « La transformation réelle a lieu lorsque l’énergie vitale animée par le désir est épuisée. »
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